mardi 15 mai 2012

Crise sociale: Activisme et souvenirs de voyage

Toda nuestra accion es un grito de guerra a contra el imperialismo
- Che Guevara
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Mes observations politiques sur la crise sociale que vit le Québec depuis quelques mois ne sont pas arrivés sur ce blogue par hasard. Déjà, il y avait eu toute une série d'articles politiques et engagés dans les mois précédents. Mes observations forment aujourd'hui la suite logique de mon engagement plus publiquement assumé. Cet engagement - et les convictions qui le sous-tendent - prend racine plus directement dans les expériences qui ont le plus changé ma vie et mes opinions au cours de la décennie 2002-2012; c'est-à-dire mes voyages. L'Amérique Latine, en particulier, a joué un rôle primordial dans mon cheminement de citoyen du monde, et de citoyen du Québec.
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Entre 2004, date de mon premier séjour en Amérique latine, et 2010, date de mon plus récent passage, l’Amérique latine a subie de profondes transformations socio-politiques. L’élection de nouveaux gouvernements socialistes en Bolivie, en Équateur et au Nicaragua est venu appuyer les politiques socialistes déjà en place au Venezuela et en Argentine. Car dès 2003, le gouvernement péroniste de Nestor Kirshner avait entreprit un important virage à gauche qui allait s’avérer salutaire pour le pays natal de Che Guevara. Cette «nouvelle gauche» latino était d’ailleurs largement inspirée de l’idéologie socialiste du Che, la plupart des dirigeants élus ne se gênant pas pour évoquer le révolutionnaire Argentin. Ce n’est donc pas un hasard si plusieurs de ces gouvernements ont trouvé un ami auprès du régime cubain, dirigé par Fidel Castro depuis la révolution de 1959, révolution où Che Guevara et l'actuel président cubain, Raul Castro, ont joué un rôle de premier plan.
Au milieu de cette période, vers la fin de 2008, alors que les financiers d’Amérique du nord et d’Europe plongent le monde dans une crise financière et économique aux répercussions sociales dévastatrices sur les peuples de l’occident comme de l’orient, cette gauche latino-américaine émerge comme un exemple qui a su mieux résister que le laisser-faire imposé par le libre-marché.
Début 2012, au moment où le Québec traverse une crise sociale sans pareille depuis des décennies, certains pays d'Europe choisissent de suivre la voie de la gauche, alors que d'autres rejettent les dogmes d'austérité imposés par la droite économique ou les gouvernements technocrates qui leur ont été imposés par les marchés financiers.
Lors de mes passages en Amérique latine, entre 2004 et 2010, j’ai souvent eu l’opportunité d’être témoin des changements sociaux engendrés pour le bien commun de ses citoyens. Mes explorations de leur histoire et leur culture, par des visites, des rencontres, des sites historiques et la simple vie quotidienne partagée avec eux, allait me faire comprendre pourquoi le peuple latino avait choisi cette voie malgré les pressions extérieures. Des sites Mayas et Incas aux sommets des Andes, des anciennes civilisations aux paysages désertiques et à la forêt tropicale, de la conquête espagnole à la révolution cubaine, entre les volcans et les simples repas entre amis, ces visites et rencontres allaient me faire comprendre l’Amérique latine, allaient me la faire vivre, et cette expérience allait changer ma façon de voir l’Amérique, de voir le monde, et de voir la vie.
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Ce n'est donc étonnant pour personne que je me sois retrouvé à non seulement observer la crise sociale au Québec, mais à y participer activement. Par des prises de positions écrites et assumées, certes, mais aussi par ma présence dans la rue avec les citoyens qui dénoncent les politiques et financiers qui nous gouvernent sans considérations pour le bien commun.
Voici donc quelques souvenirs d'un voyage idéologique.
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Avec mes deux nouvelles amies australiennes, nous sommes tombés sur une manifestation monstre des étudiants des collèges d'une bonne partie de l'Équateur. J'ai arrêté deux des jeunes en leur demandant pourquoi ils manifestaient comme ça:
- Pourquoi vous manifestez?
- ..... Julio?
- Quoi?
- Pourquoi on manifeste déjà?
Haussement d'épaules de Julio, les deux gars continuent leur chemin. J'en arrête un autre:
- Pourquoi vous manifestez?
- Qui sait?
[Quito, Équateur, juin 2007]
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Près d'Ayaviri, Pérou.
Il semble que les manifestants qui avaient fait un blocus près de Ayaviri ont étendu leur blocus à la ville de Juliaca, au nord de Puno, et où passent les bus reliant Arequipa, Cusco et Puno. Une compagnie nous informe qu'ils tentent de passer de nuit. San Luis offre donc le trajet de nuit, en 8 heures au lieu de 5, contournant le problème pour joindre Juliaca, puis Puno par une route de gravier. On tente le coup.
Bien évidemment, ça ne marche pas. On est coincé par le blocus un peu en aval de Juliaca, vers 5h30 du matin. À l'arrêt pendant une petite heure, puis au lever du soleil, on nous informe que deux microbus nous attendent de l'autre bord pour continuer. Nous prenons donc notre bagage et nous marchons une fois de plus au petit matin entre les manifestants, les pierres sur la route, une voiture incendiée, un pont bloqué, pour rejoindre un autre bus, heureusement situé à seulement vingt-cinq minutes à pied.
Cucso, Pérou.
[Quelque part non loin d'Ayaviri, Pérou, juillet 2007]
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À tous les jours depuis mon arrivée à Cusco, il y a une longue marche de protestation contre le gouvernement Garcia dans les rues de Cusco, le Pérou étant secoué par une importante crise sociopolitique. La manifestation de ce matin m'a semblé plus importante, le mouvement, plutôt que de s'essouffler, semble prendre de l'ampleur.
[Cusco, Pérou, juillet 2007]
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Le matin de mon départ de La Paz, notre bus a été coincé, puisque la seule voie d'accès de La Paz vers El Alto (la voie qui effectue des zigzags dans la montagne), elle était bloquée par des manifestants qui avaient dressé un blocus improvisé. Nous avons donc été témoin de quelques activités près des lieux du blocus principal (l'ensemble s'étendant sur environ un kilomètre) pendant une petite heure.
La Paz, Bolivie.
Puis, l'intervention des autorités a été relativement rapide, une brigade est arrivée et a commencé à éparpiller les manifestants. Ceux-ci, des jeunes en grande majorité, se sont mis à détaler un peu partout dans les rues et ruelles entre el centro et El Alto. Les policiers les ont poursuivis, des affrontements ont eu lieu, les jeunes lançant des pierres vers les policiers, ceux-ci répliquant avec des gaz lacrymogènes. Le tout a duré une bonne demi-heure avant que les policiers ne reprennent le contrôle des lieux et que le dégagement de la voie ne débute. Une partie des affrontements se sont déroulés directement sous mes yeux, le long de la route, à côté de l'autobus dans lequel je prenais place.
[La Paz, Bolivie, août 2007]
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Le blocus routier est une tradition latino qui semble m'aller comme un gant... puisque la journée même où je décide de me rendre de Antigua à Quetzaltenango, dans l'ouest du pays, mon bus tombe, près de Los Encuentros, sur un blocus routier! J'allais lire dans les journaux du lendemain que de tels blocus ont été installés dans une douzaine de lieux stratégiques au pays et que trois de ces lieux étaient situés sur la route Ciudad Guatemala - Quetzaltenango! J'ai donc, dans un sens, été chanceux d'être retardé par un seul blocus routier.
Los Encuentros, Guatemala.
J'allais lire également que les bloqueos étaient le fait du syndicat des enseignants, faisant ainsi pression sur le gouvernement pour l'adoption d'une nouvelle loi accordant plus de budget à l'éducation au pays et réformant une partie du financement de celle-ci en faveur d'un système d'éducation moins cher pour les familles et individus. Les manifestants avaient l'appui de l'association des municipalités dans leurs démarches. Dans les journaux, on dénonçait généralement l'attitude des enseignants, montrant les effets négatifs de leurs actions sur l'économie.
[Los Encuentros, Guatemala, décembre 2009]
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Partout sur mon passage, des gens qui manifestent pour le respect de leurs droits. Et ces images ne sont pas violente, ces gens ne sont pas violents, malgré ce que l'on veut nous faire croire. Au Québec, on n'a pas vraiment d'histoire revendicatrice ou manifestante. On se souvient de la crise d'octobre comme d'une période noire et on a le sentiment révolutionnaire plutôt tranquille.
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S'il y a une chose que mes voyages en Amérique latine m'auront permis de constater et de mieux comprendre - une chose entre milles autres, on s'entend, mais une chose importante - c'est de quelle manière Ernesto Che Guevara en est venu à l'idéologie politique qu'il a adopté, pourquoi il a participé à la révolution cubaine, puis aux autres combats jusqu'à la guérilla bolivienne qui allait lui coûter la vie.
Et comme mes billets d'opinion le montrent depuis quelques mois, je n'ai pas que compris son évolution idéologique, j'en suis venu à partager ses vues socialistes sur le sujet.
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